Courant 2018, un consortium d’acteurs s’est mobilisé pour améliorer l’accès à l’eau potable pour les habitants de la Commune rurale de Mangaoka, zone côtière du nord de Madagascar au potentiel de développement économique et social important.
Dans le cadre de la récente mise en place d’un comité de gestion intégrée des zones côtières dans la région DIANA, cet article se propose de donner des pistes de réflexion pour la mise en œuvre de projets de transformation de rivières conciliant enjeux écologiques et développement local.
A Ampasindava, village de tourisme et de pêche du nord de Madagascar, la mise en place du nouveau réseau d’adduction d’eau potable dans la Commune rurale de Mangaoka a été très bien accueillie par la population qui souhaitait, avant même la mise en service, des extensions à d’autres localités environnantes.
L’eau qui alimentera le réseau prend sa source dans la rivière d’Ambararata qui se jette dans le canal de Mozambique à la hauteur du village qui porte le même nom.
Ce réseau permettra l’accès à une eau de qualité aux 3000 habitants d’Ampasindava à l’horizon 2030, dans une zone marquée par des sécheresses saisonnières et où les puits traditionnels rassemblent des eaux de surface polluées, en raison de la défécation à l’air libre et de la proximité du bétail.
Les écosystèmes, au service du bien-être de l’humain
Ampasindava fait face au parc marin de Nosy Hara, où s’abrite un mélange unique d’habitats (mangroves, herbiers, récifs coralliens) et une diversité spectaculaire d’espèces marines. Ce n’est donc pas un hasard si la pêche maritime constitue la principale source de revenu des ménages. Leur disparition serait donc très dommageable pour ces populations et les milieux tropicaux.
Depuis plusieurs années, la population d’Ampasindava, accompagnée par les agents du parc marin, s’investit dans les actions de protection de la mangrove. Les berges de la rivière Ambararata et des collines des alentours sont également ciblées par des actions de reboisements communautaires organisés pour limiter l’érosion des terres.
Pour le gestionnaire du parc marin, la mise en place du réseau d’accès à l’eau potable est un exemple de retombées économiques et sociales promises aux communautés locales en contrepartie du respect de la législation encadrant l’exploitation des ressources et de leur participation aux activités de protection. Toutefois, malgré les efforts accomplis, l’écosystème de la mangrove n’est pas à l’abri des menaces.
Une des causes sous-jacentes de la perte des mangroves malgaches est la croissance vigoureuse de la population dans les zones côtières qui entraîne la surexploitation des ressources. On cite également l’élévation du niveau de la mer et l’ensablement par l’érosion massive des terres déforestées. Des fluctuations dans l’arrivée des eaux à la mer provoquées par les barrages en amont et par les prélèvements pour l’irrigation des récoltes menacent aussi les palétuviers, arbres caractéristiques de la mangrove.
Les écosystèmes, au service des écosystèmes ?
Depuis le démarrage des travaux en août 2019, de nombreux paysans des villages situés en amont d’Ampasindava s’interrogent à propos des impacts de cette infrastructure sur la disponibilité en eau pour d’autres usages, notamment l’irrigation des cultures de maïs et de riz. Une étude effectuée en 2017 par le Conseil Départemental du Finistère et l’ONG Experts Solidaires a mis en évidence que le débit d’étiage de la rivière (0,64 m3/sec) permettra d’en utiliser pour l’agriculture et pour l’alimentation en eau potable de quatre villages, dont celui d’Ampasindava.
Dans le contexte de cette zone de la région DIANA, identifiée comme ayant un fort potentiel de développement économique et social, mais où les besoins en eau croissent en raison de l’augmentation de la population et des changements climatiques, il apparaît nécessaire d’y assurer une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau.
L’ONG Azimut a été chargée de favoriser la mise en place d’un comité de représentants des usagers du nouveau service d’accès à l’eau potable, dont les attributions s’apparentent à celles d’une société civile forte et engagée dans le développement de leur localité. Ce comité a pour rôle de veiller localement au maintien de la qualité du service et au respect des engagements de protection de la ressource en eau par les parties concernées.
Dans le cadre de futurs projets d’extension du réseau et de transformation de la rivière Ambararata les membres de ce comité pourraient être amenés à s’interroger et à interpeller les parties concernées sur les impacts éventuels afin d’anticiper les conflits d’usages qui pourraient survenir entre les pêcheurs en aval et les paysans en amont de la rivière.
Dans l’état actuel, bien que la diminution du débit de la rivière Ambararata par le projet d’adduction d’eau potable soit négligeable, il convient également de s’interroger et de considérer les services rendus à la Nature par la rivière. En effet, les palétuviers poussent dans la zone de balancement des marées et supportent donc l’eau salée mais ont aussi besoin d’eau douce venue de l’amont des rivières pour survivre. La rivière dans sa forme « libre » et « sauvage » ne rendrait-elle pas le plus de services à cette société de pêcheurs ?
L’ONG Azimut est membre du comité régional de gestion intégrée des zones côtières de la DIANA, nouvellement constitué le 19 février 2020. Elle souhaiterait soulever ces questions complexes et relancer les discussions sur les décisions et les politiques de transformation des rivières pour une coexistence respectueuse avec les milieux naturels.